L’écume de notre société capitaliste

Deux ans après la Seconde Guerre mondiale, la France se voit grandement bouleversée suite à un conflit considéré par tous comme futile et hideux. En plein traumatisme social, plusieurs auteurs, autant Français que Européens, questionneront l’inhumanité de cette guerre qui a aussi mortellement affecté l’économie du pays de la contestation. Naîtra alors le surréalisme et l'existentialisme propres à la deuxième moitié du vingtième siècle, dont la plume, l’imaginaire et le panache de Boris Vian ne seront épargnés dans L’Écume des Jours, l’un de ses premiers romans.

Publiée en 1947, cette oeuvre est en effet l’extériorisation d’une colère qu’avait Vian ainsi que la majorité française face aux injustices et disparités socio-économiques de l'après-guerre. À ce moment, les richesses restantes du pays gravement assali sont arbitrairement réparties, et l’économie de la Cinquième République plutôt orientée vers la production de guerre doit être complètement restructurée. Ainsi, la classe ouvrière est la plus affectée durant cette réorganisation, et les classes bourgeoises restent comme toujours les mieux nanties. Quoique Vian faisait partie de ces mieux nantis, l’auteur visiblement sensible à cette iniquité utilisera la satire pour critiquer le monde du travail de l’après-guerre, voir même actuel.

En effet, dans son roman L’Écume des Jours, les personnages plus aisés tels que Colin et Chloé sont ceux qui travaillent le moins. En plus d'être riches, ceux-ci sont heureux, amoureux et surtout respectés par leur richesse, et ce, sans même avoir travailler. Aussi, les ouvriers sont les plus privilégiés parmi les malheureux travailleurs, tandis que les ceux plus intellectuels, comme Chick l’ingénieur ou Jean Saul Partre, vont être les plus critiqués par la plume satirique de l’auteur. Ainsi, toujours dans cet univers inverse, l’emploi et la recherche de l’argent apporte malheur et pauvreté, tandis que l'oisiveté, la liberté comparable à l’enfance puis l’inemploi créent le bonheur et la richesse.



Bien que cette critique par l'auteur était sûrement destinée à la société française de l’époque, le monde à l’envers qu’a si bien créé Boris Vian reste une satire tout autant pertinente envers la société d'aujourd'hui. Dans son roman, l’auteur a habilement redéfini le pouvoir de l’argent à l’aide d’un monde du travail complètement contraire au nôtre. En effet, vous et moi savons très bien que dans notre monde actuel, la source de bonheur la plus stable pour plusieurs d’entre nous est premièrement économique ou financière.  Sachant l’importance que l’on attribue aux billets verts, notre monde du travail est alors axé sur une formule bien simple ; plus l’on travail, plus l’on fait d’argent, et ainsi, plus nous avons supposément de chances d’être heureux. Toutefois, l’auteur nous a présenté un rêve où cette source première du bonheur est l’amour puis la liberté du non-emploi, et dont la richesse et le bien-être en découlent naturellement. Finalement, malgré que cet univers inverse au nôtre a rapidement tourné vers le chaos, ils nous reste à savoir si l’écume de notre société capitaliste nous mènera vers une fin aussi tragique.

Que l’on ai lu L’Écume des Jours ou non, « L’argent ne fait pas le bonheur. » reste un proverbe aussi cliché que ironique dans notre société pourtant consumériste et encore une fois capitaliste. Pour contrer cette ironie, le groupe français Les Respectables a présenté en 1999 une chanson d’un titre à l’envers de ce proverbe. « L’argent fait le bonheur » est en effet une de leur pièce qui se compare avec l’œuvre de Boris Vian.
La première ressemblance de ces oeuvres s’explique par l’objet de leur critique ; elles reprennent chacunes la place de l’argent dans notre société. Ensuite, les outils de ces deux critiques sont semblables ; le groupe, tout comme l’auteur, utilise la satire et l’ironie dans leur chanson.
Toutefois, Vian nous propose un monde où bonheur et liberté ont pour corollaire la richesse, tandis que le groupe Les Respectables, rien qu’en se fiant au titre de leur pièce, véhicule l’idée que l’argent premier apporte un bonheur second. En d’autres mots, ce qui différencie les deux pièces artistiques est l’ordre de ces deux sujets très paradoxaux ainsi que leur rapport cause à effet.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire